projet de construction d'un tour Gingery

  • Auteur de la discussion misty soul
  • Date de début
M

misty soul

Apprenti
Bonjour à tous,

Je me suis lancé depuis bientôt deux ans dans la construction d'un petit tour sur la base des livres que David Gingery (un américain) a écrit dans les années 80 (celles du XXème siècle, pas celles des siècles précédents). Le titre global de sa série est « Building Your Own Metal Working Shop From Scrap », que l'on pourrait traduire par «construisez votre propre atelier de travail du métal à partir de récupération ». La série comporte sept ouvrages, chacun centré sur un projet de machine. Le premier ouvrage porte sur une petite fonderie à charbon pour fondre de l'aluminium, le second porte sur un petit tour. Pour information, les suivants abordent la réalisation d'un étau limeur, d'une fraiseuse horizontale, d'une perceuse sur colonne, d'accessoires « de luxe » pour le tour comme des mandrins, une lunette et surtout un plateau diviseur et une série d'engrenages pour le tour, et enfin d'une plieuse.
Toutes les machines sont faites avec des outils de base (il écrit n'avoir utilisé que des outils manuels et une perceuse électrique au départ) pour faire des modèles en bois, puis les couler en aluminium avec des moules à sable dans la fonderie du premier ouvrage, et en passant beaucoup (vraiment beaucoup) de temps à limer, gratter, percer, ajuster. La première machine, le tour, aide à créer les suivantes (essentiellement l'étau limeur et indépendamment la fraiseuse horizontale). Au fur et à mesure que l'atelier s'étoffe, des projets plus compliqués peuvent être abordés, le summum me semblant être le plateau diviseur.
Bon, quand on lit toute la série, il y a quand même certains éléments qu'il faut acheter. Par exemple le banc du tour est constitué d'une plaque en acier, tout n'est pas en aluminium. Ces achats restent cependant très limité, et se limitent à quelques plaques planes en acier, des paliers, et de la visserie.

La démarche de ce monsieur m'a énormément plu, et je me suis lancé dans ce projet en 2015. C'est un travail de longue haleine, et je suis très loin de voir le bout même du tour. Je suis parfaitement conscient que si j'arrive un jour au bout, j'aurais une machine qui m'aura coûté un temps phénoménal (et probablement pas mal d'argent) pour un résultat peu précis, certainement trop flexible pour faire plus que du petit bricolage, et avec des fonctionnalités très limitées. Mais ... j'aurais appris. C'est ÇA la motivation : apprendre. Je suis un débutant total en usinage, un bleu, une bille, appelez cela comme vous voulez. De plus je n'avais que de l'électroportatif et une perceuse sur colonne lorsque j'ai débuté (maintenant, j'ai aussi un rapide-lime). J'ai lu quelque part un truc dans le genre « pourquoi acheter pour 10$ ce que vous pouvez fabriquer vous même pour 100$ ». C'est un peu l'esprit de ce projet, l'idée n'est pas d'avoir quelque chose, mais plutôt de faire, même si cela coûte finalement plus cher, est moins performant, et prend plus de temps.

On trouve sur internet quelques références sur les machines de Gingery. Les ouvrages ont eu beaucoup de succès, mais peu de personnes semblent avoir construit les machines complètement, et encore moins ont publié les étapes de leur projet. Les deux références les plus abouties que j'ai pu trouver sont d'une part la suite de vidéo de Morgan Demers (https://www.youtube.com/playlist?list=PL46A8DC06A98C81D6), et d'autre part la suite de vidéo de Cressel Anderson (https://www.youtube.com/playlist?list=PL9d6LkFNP1fGjdW2RxqSHdSO9D1FEl36c).

À ce jour, j'ai fait une petite fonderie (à gaz, pas à charbon comme dans les bouquins de Gingery), et j'ai commencé le tour. Bien entendu, il faut énormément adapter. Le plus évident est qu'il faut d'une part convertir les dimensions du système impérial en pouces vers notre système métrique et d'autre part adapter et arrondir pour pouvoir utiliser de la quincaillerie standard, et renforcer un peu la rigidité. Une autre difficulté est que les matériels disponibles dans les années 80 aux États-Unis n'ont pas grand chose à voir avec ce qui est disponible en 2017 en France.

Je propose donc, si cela intéresse quelqu'un dans ce forum, de mettre dans cette discussion les étapes de ce projet, avec l'espoir qu'un jour j'arrive au bout. Je peux dès maintenant rédiger quelques billets sur les parties déjà réalisées, comme la fonderie ou le banc du tour, avec quelques photos. J'insiste sur deux points fondamentaux, au risque de me répéter. Le premier est que l'objectif n'est vraiment pas de réaliser une machine ni innovante, ni précise, et qu'elle devienne un outil fondamental dans un atelier digne de ce nom. Si je voulais vraiment avoir un tour dans le but de réaliser des projets plus ambitieux, et bien ... j'en achèterais un. Le second est que je suis un débutant et totalement ignare dans le domaine de l'usinage, ce qui implique que ce projet a toute les chances de présenter des erreurs de débutant et de mauvais exemples, qui feront se dresser les cheveux sur la tête des habitués de ce forum tous plus expérimentés que moi. Ces points étant posés, pensez-vous que ce sujet soit intéressant pour le forum ou me conseillez vous plutôt de m'amuser tout seul dans mon garage sans embêter les gens ?
 
C

cr-_-

Compagnon
Bonjour
Projet intéressant et je suis pour un peu plus de détails
Merci
 
I

ilfaitvraimentbeau

Compagnon
Bonjour misty soul,
ton sujet est très intéressant ! et je vais le suivre avec beaucoup d'intérêt
D. Gingery sort vraiment du lot des bricoleurs et j'ai vu sur le net des vidéo sur ce tour, arriver à faire quelque chose avec peu de choses c'est formidable !
 
Y

Yoda78

Compagnon
Je trouve egalement la démarche très interessante. C'est une approche peu commune et accessible. C'est incroyable de voir tout ce que l'on peut réaliser avec un peu de bon sens, de l'inventivité et....de la patience..
J'ai hâte de lire la suite.
 
P

pinou29

Compagnon
Bonjour misty.
Je propose donc, si cela intéresse quelqu'un dans ce forum, de mettre dans cette discussion les étapes de ce projet, avec l'espoir qu'un jour j'arrive au bout.
Je pense que ça va intéresser beaucoup de monde ne serait-ce que sur la fonderie même si sur ce forum il y a des pointures en la matière.
pensez-vous que ce sujet soit intéressant pour le forum ou me conseillez vous plutôt de m'amuser tout seul dans mon garage sans embêter les gens ?
Ce serait dommage de "t'amuser tout seul dans ton garage", tu risques de passer à côté du partage des idées.
Bonnes bricoles.
Bernard.
 
Dernière édition:
M

Momoclic

Compagnon
Bravo, belle initiative à suivre.
Merci pour le partage.
 
M

mika59

Compagnon
Hello
Sujet intéressant !!!!
Si tu y joins des photos et des explications adhoc nous serons ravis !!!!!!
 
O

osiver

Compagnon
Il y a eu récemment ici un fil où on avait en vidéo 5mn pour construire ce tour :
8-)
 
M

misty soul

Apprenti
Il y a eu récemment ici un fil où on avait en vidéo 5mn pour construire ce tour :
8-)
Je sais, il s'agit d'une des références que je mettais dans mon message initial. Il s'agit de la construction faite par Cressel Anderson.
Je vous conseille d'aller voir également les vidéos un peu plus anciennes de la construction faite par Morgan Demers, je le trouve
encore plus impressionnant.
 
M

misty soul

Apprenti
Merci à tous pour vos retours très positifs.
Je vais donc essayer de documenter ici mes travaux.
Première étape, la fonderie. Je vais écrire le billet de ce pas ...
 
M

misty soul

Apprenti
Dans l'introduction de sa série, David Gingery indique que ses premières tentatives pour fabriquer des machines de travail du métal
ont été des échecs. Il tentait à cette époque de faire des montages à base d'éléments en acier étiré à froid soudés ensemble, et les
résultats n'étaient jamais satisfaisant, en particulier au niveau des alignements. La révélation fut pour lui de passer à des pièces
de fonderie, limitée cependant à de l'aluminium de récupération, matériau qu'il considérait comme facile à trouver et dont la fonte
était à la portée des amateurs ayant peu de moyens.
Le premier de ses ouvrages (The Charcoal Foundry, que l'on peut traduire en français par « la fonderie à charbon ») décrit comment
faire un petit four de fonderie à partir d'un bidon et d'argile réfractaire fonctionnant au charbon. Il décrit également comment faire
des moules à sable vert pour couler des pièces en aluminium.
Dans mon cas, je me suis un peu écarté du modèle de Gingery. Prenant d'autres exemples dans l'abondante littérature que l'on
trouve sur la toile mondiale, j'ai fait un four à gaz à partir d'une bouteille de gaz (le modèle de 13kg de gaz bien connu de ceux
qui n'ont pas le gaz de ville).

Les étapes que j'ai suivies sont les suivantes (attention, je ne prends aucune responsabilité si vous tentez de faire la même chose
et que cela se passe mal et que vous avez un accident ; ne faites cela que si vous êtes sûrs de vous) :
  • trouver une bouteille de gaz vide de récupération
  • la laisser ouverte quelques jours, pour être sûr
  • dévisser tout l'ensemble de robinetterie en haut (c'est un pas normal à droite, mais il faut forcer pour enlever le robinet ; pour ma part, j'ai retourné la bouteille à l'envers de façon à ce que le robinet soit plongé dans un seau remplis de glaçons sortis du congélateur, j'ai attendu, puis j'ai utilisé les moyens du bord pour desserer le robinet avec environ 40cm de bras de levier et une massette)
  • remplir la bouteille d'eau jusqu'à ce qu'elle déborde (ceci assure que le gaz résiduel a bien été évacué, puisque la totalité du volume est désormais occupé par de l'eau)
  • vider la bouteille (mais en fait, j'ai lu par la suite que j'aurais mieux fait de passer à l'étape suivante sans la vider), elle sent encore le gaz, car le produit odorant est imprégné dans les parois, mais il n'y en a plus si l'on a bien rempli au préalable jusqu'au débordement
  • couper la bouteille pour avoir un corps cylindrique et un couvercle bombé
  • découper un cercle d'environ 5 ou 7 centimètres de diamètre au centre du couvercle, le trou de l'ancien robinet étant trop étroit
À ce moment là, vous avez un bidon cylindrique en acier relativement épais, d'une bonne contenance, et avec un couvercle troué robuste.
La photo suivante vous montre le découpage de la bouteille, avec une petite meuleuse d'angle. Vous pouvez voir dans le coin en bas à gauche de
l'image, sur l'établi, le robinet qui a été démonté de la bouteille.
decoupage-bouteille-gaz.jpg


L'étape suivante a consisté à fixer les accessoires :
  • des poignées sur le corps
  • un tube carré vertical à l'arrière pour servir de charnière pour le couvercle
  • un tube horizontal en bas, un peu décentré pour recevoir le brûleur, en anticipant le fait que l'intérieur de la bouteille serait chemisé par une forte épaisseur de revêtement réfractaire, sur les parois et sur le fond
  • un tube rond verticalement sur le côté du couvercle, destiné à entrer dans le tube carré du corps, et permettant de faire pivoter le couvercle pour accéder au creuset
La photos suivante montre une vue d'ensemble de ce montage (avec des soudures abominables ...)
bouteille-et-accessoires.jpg


La même, vue de l'autre côté et en position ouverte
bouteille-ouverte.jpg

Le cadre devant faire office de pédale pour soulever le couvercle par l'intermédiaire du tubé n'était pas encore fixé à ce moment là.

Ensuite, il a fallut faire le revêtement réfractaire. Cette fonderie étant destinée à ne traiter que de l'aluminium et donc à ne supporter que des températures relativement basses (660°C), un
mélange de ciment réfractaire et de perlite (que l'on peut trouver dans certaines jardineries) semblait suffisant. Attention, ceci ne serait pas du tout adapté pour la fusion d'autres métaux (et
de toute façon la bouteille de gaz ne serait pas non plus adaptée). Suivant des conseils lus au gré de mes pérégrinations sur le net, j'ai fait le mélange ciment réfractaire/perlite presque à sec,
n'ajoutant que des quantités infimes d'eau à l'aide d'un vaporisateur. La bonne consistance est obtenues quand un bloc serré dans la main garde l'empreinte de la paume, ne se
désagrège pas quand on le lance à quelques centimètres et qu'on le rattrape dans la main, et se fragmente en deux morceaux propres sans s'effondrer en miettes
Voici le mélange réfractaire prêt à être utilisé, on voit que c'est relativement sec, ce n'est pas un mortier de maçonnerie.
melange-refractaire.jpg

On tasse d'abord au fond, puis on installe un cylindre (contre plaqué et carton fin genre bristol pour les parois) et on continue de monter en tassant pour les parois. On voit ici le début du remplissage,
avec un particulier l'installation au fond du cylindre par lequel le brûleur passera. Attention : ici ce cylindre était en fait trop petit, et j'ai dû le remplacer a posteriori, ce qui a été difficile puisqu'il
était pris dans le réfractaire ... Il faut donc prévoir à l'avance la bonne taille, et peut être faire le brûleur avant le four, ce que je n'avais pas fait.
debut-remplissage.jpg

À la fin du remplissage, on obtient ceci. Le sommet des parois est en cône s'évasant vers le haut, en prévision du chemisage du couvercle qui viendra se caler dans le cône.
fin-remplissage.jpg

Il faut attendre près d'une semaine que le mélange sèche, même s'il ne contenait que très peu d'eau. Il faut ensuite enlever le cylindre (qui en fait avait souffert au remplissage et
présentait des facettes) et enlever le fond en contre-plaqué, qui bien sûr est coincé sous le tuyau d'arrivée du brûleur scellé dans les parois ... Je l'ai détruit au ciseau à bois et retiré
par morceaux.
Le corps étant sec, j'ai pû m'attaquer au couvercle, car je voulais qu'il s'emboîte parfaitement dans le cône, il fallait donc faire sécher l'ensemble à l'envers avec du réfractaire humide dans
le couvercle en bas et la bouteille chemisée en haut, qui pèse son poids ! J'avais prévu des renforts à l'intérieur du couvercle, mais il m'a quand même fallut deux essais pour avoir quelque
chose qui se tenait. Cela s'est avéré plus délicat que je ne le pensais à l'origine.
Les renforts ont cet aspect avant remplissage du couvercle.
renforts-couvercle.jpg

On voit d'ailleurs qu'une poignée en bois avait été installée. Cela s'est avéré un choix très pertinent. Lors de l'utilisation, le couvercle peut être très chaud (et les tiges conduisent
bien la chaleur). La poignée en bois isole la main de l'opérateur, et elle résiste bien à la chaleur.
L'intérieur du four après séchage. On voit bien que le cylindre n'a pas aimé le tassement du mélange réfractaire et présente des facettes. On voit aussi la buse d'arrivée dans laquelle le brûleur
viendra se loger. Elle est positionnée tangentiellement, afin que la flamme s'enroule en remontant autour du creuset.
interieur-four.jpg

J'ai ensuite peint ma fonderie avec une peinture noire pour très hautes températures (je crois qu'elle est faite pour les barbecues) et j'ai installé une pédale pour soulever le couvercle, un
simple cadre avec des profilés en L soudés et articulés sur le fond de la bouteille par deux boulons.

Voici pour ce premier aperçu. Au prochain numéro, je parlerais du brûleur.
 
I

ilfaitvraimentbeau

Compagnon
super ! merci pour tous ces renseignements :-D
 
O

osiver

Compagnon
Un truc m'a échappé : en fait, vous remplissez en même temps le tour et le milieu. Ensuite, vous retirez le bloc du centre. Comment ? C'est à ça que sert le crochet ? :eek:
 
M

misty soul

Apprenti
Un truc m'a échappé : en fait, vous remplissez en même temps le tour et le milieu. Ensuite, vous retirez le bloc du centre. Comment ? C'est à ça que sert le crochet ? :eek:
Non, je ne remplis pas le milieu, le cylindre en carton est là pour réserver l'espace, et je tasse le mélange autour, le long des parois.
Le disque supérieur, avec le crochet, a été mis en place juste à la fin du remplissage des parois, alors que le mélange était encore humide. Il n'était pas prévu au départ, je pensais que le cylindre supporté juste
par en bas suffirait. C'était une erreur, le fait de tasser le mélange déformait les parois du cylindre (d'où l'apparition des facettes). J'ai donc placé ce disque supérieur, bien enfoncé pour qu'il soit à l'intérieur
des parois en carton, affleurant leur bord, pour les empêcher de s'effondrer pendant le séchage. Le crochet était destiné à enlever ce disque une fois le mélange sec, car il n'y avait aucune prise. Donc sous
le disque supérieur avec le crochet, le cylindre était toujours vide.
 
O

osiver

Compagnon
Ah d'accord !
Donc ce serait à revoir au niveau du remplissage.
Pourquoi ne pas envisager de remplir le centre avec du sable sec en même temps que monte le mortier réfractaire à l'extérieur. Ça permet de caler et c'est facile à retirer à la fin :wink:
 
M

misty soul

Apprenti
Excellente idée le sable sec !
C'est vrai que les flasques en bois, j'ai galéré pour les enlever (même celle du dessus avec le crochet).
 
M

MARECHE

Compagnon
Bonjour,
J'ai un vague souvenir que des gens ont brûlé les cales en bois, ne pouvant les retirer.
Salutations
 
P

pinou29

Compagnon
Bonjour.
trouver une bouteille de gaz vide de récupération

  • la laisser ouverte quelques jours, pour être sûr
Si on veut laisser la bouteille se vider il faut ouvrir très peu le robinet en laiton car il y a une bille à l'intérieur qui bloque le gaz en cas de trop fort débit.
Un truc m'a échappé : en fait, vous remplissez en même temps le tour et le milieu. Ensuite, vous retirez le bloc du centre. Comment ? C'est à ça que sert le crochet ? :eek:
+1, je n'avais pas compris mais l'explication qui a suivi a éclairé ma lanterne.
Intéressant comme sujet, j'apprends beaucoup de choses.
Bon week-end (bien humide dans le midi).
Bernard.
 
M

misty soul

Apprenti
Un point que j'ai oublié de mentionner : après le remplissage, l'espace libre restant est d'environ 17cm de diamètre pour 23cm de profondeur,
soit un volume de l'ordre de 5.2 litres. Si on met un récipient d'environ 14cm de diamètre dedans et qu'après avoir fondu on a quelque chose
comme 5cm de profondeur de métal liquide cela représente environ 0.77 litres, soit environ 1.8kg d'aluminium. Je ne pense pas avoir fondu
des quantités plus importantes. Théoriquement, avec 10cm de liquide, on doit avoir 3.6kg, bien sûr, mais il faut du temps pour chauffer toute
cette masse jusqu'à la liquéfaction, et il faut ensuite le manipuler et pouvoir le verser dans le moule à sable ultérieurement ; il est hors de
question de remplir le creuset jusqu'à ras bord, ce serait aller à l'accident directement.
 
M

misty soul

Apprenti
Seconde étape : le brûleur.
Comme je l'indiquais dans un message précédent, j'ai opté pour une fonderie à gaz plutôt qu'une fonderie à charbon telle que décrite par Gingery.
Avec un brûleur à gaz, on peut couper l'alimentation très rapidement alors que lorsqu'un lit de charbon est incandescent, on ne l'éteint pas en
claquant des doigts. De plus, il n'y a pas de cendres produites avec un brûleur à gaz.
Mon idée initiale était de simplement modifier une de ces lances à brûler les mauvaises herbes dans les allées que l'on trouve aisément dans le
commerce. J'en avais une depuis des années dont je ne me servais pas. L'avantage était qu'il y avait déjà un long tuyau et le raccord pour mettre
la lance sur une bouteille de propane standard : aucune manipulation à faire pour avoir un système sans fuite, cela me plaisait.
Je pensais simplement couper la lance (qui n'est guère qu'un tube creux) pour faciliter les manipulations et surtout enlever l'espèce de grosse
boîte de conserve à la bouche, destinée à obtenir une flamme large et sous faible pression.

Ça ne marche pas.

Je ne me souviens plus bien des problèmes, mais globalement cela a été un échec retentissant. Je crois bien qu'une fois enlevé le bout évasé,
je n'arrivais simplement plus à allumer. La proportion magique air, gaz à la pression qui va bien n'était plus vraiment au rendez-vous.

Il a donc fallut faire un brûleur à partir de zéro. J'ai opté pour ce qui semble être un grand classique, le brûleur Yaco. J'ai trouvé un
exemple simple sur http://couteliers.com/archives/bruleur/index.html. L'avantage de cet exemple est qu'il suffit de matériel de plomberie
a priori simple. En fait, j'ai eu un peu de mal à trouver les manchons et le tube pour des tubes aciers, mais au bout de la deuxième ou troisième grande
surface de bricolage que j'ai testée, j'ai fini par trouver. L'ensemble revient donc à percer un micro trou de 1mm dans le petit tube en aluminium
de 8mm enfoncé latéralement dans le manchon au bout du gros tube. Un peu de colle epoxy pour boucher les joints et c'est tout. Je n'ai en
fait pas mis la rondelle à ailettes à l'avant, pour l'instant le brûleur marche comme cela. Le plus difficile a été d'enfoncer le petit tuyau
d'aluminium de 8mm dans le long tuyau souple de gaz de l'ancienne lance à brûler les mauvaises herbes.

J'ai également ajouté, côté bouteille de gaz, un détendeur réglable de 0.5 à 4 bars, afin de régler la flamme. Dans la pratique, le détendeur
est toujours réglé à très basse pression (environ 0.1 bars, donc au dessous de la première division du détendeur).
Voici une vue d'ensemble du brûleur
bruleur-vue-d-ensemble.jpg

Et une vue prise de l'arrière, où on voit le petit tuyau d'arrivée emmanché latéralement
bruleur-vue-arriere.jpg

Le bout du petit tuyau (à droite) est totalement bouché. Le gaz qui arrive par le tuyau souple orange est donc obligé de partir par le trou d'injection de 1mm percé de telle sorte qu'il soit au centre
du gros tuyau, et dirigé vers l'avant (donc on ne voit pas ce trou dans la photo ci-dessus). L'air arrive par l'arrière et se mélange au gaz dans le gros tube. La flamme se forme quelque
part dans le tube.

Bien entendu, ce brûleur était bien trop gros pour entrer dans la buse que j'avais prévu au bas de ma fonderie. J'ai donc enlevé cette buse en prenant garde de ne pas trop
endommager le revêtement réfractaire, et soudé deux bouts de profilé en L sur le côté, légèrement séparés l'un de l'autre pour former une espèce de glissière carrée avec deux
coins ouverts dans lequel je peux glisser le brûleur facilement et même caler le tuyau transversal. Vous pouvez voir le brûleur enfilé dans sa glissière dans la photo suivante.
On voit également le cadre qui sert de pédale pour aider à ouvrir le couvercle de la fonderie.
fonderie-finale.jpg

Le petit récipient en bas à droite de l'image est le premier creuset que j'ai utilisé, encore une fois fait avec une bouteille de gaz (de camping cette fois). Cela
marchait, mais c'était un peu trop petit pour la quantité d'aluminium que nécessitent certaines pièces du tour, et c'était un peu trop fin comme métal. Après deux
ou trois coulées, le creuset était inutilisable. J'ai trouvé après quelques temps une espèce de seau en acier émaillé chez Emmaüs que j'utilise donc depuis et
qui après une quinzaine de coulées tient encore la route.
 
M

misty soul

Apprenti
Première coulée

Une fois la fonderie et le brûleur prêts, ils ont été testés sans moule, juste pour fondre de l'aluminium dans des coupelles.
Le creuset utilisé alors était une bouteille de gaz de camping coupée. L'aluminium consistait en morceaux de récupération
divers.
On allume la fonderie, on met les morceaux de métal dans le creuset et on attend ...
premiere-fonte.jpg

Il faut entre 20 et 40 minutes pour faire fondre le métal, selon la quantité utilisée.
Certaines pièces de récupération engendrent beaucoup de scories (typiquement les pièces peintes) qu'il faut éliminer.
J'utilise une cuiller à salade avec un manche en bois ... Désolé pour le manque de netteté de cette série de photos.
ecumage.jpg

Une référence dans le domaine de la foinderie est myfordboy (voir https://www.youtube.com/user/myfordboy). Il utilise en fin de fonte du LoSalt (un substitut de sel pauvre en sodium) soit pour
dégazer le métal (c'est à dire enlever l'hydrogène dissout si j'ai bien compris), soit pour rassembler les scories avant de les écumer. Sous les scories, on a un beau liquide argenté, l'aluminium
fondu.

Pour cette première coulée, on a simplement versé le métal dans des coupelles en acier achetées en brocante (destinées à l'origine à servir des boules de glaces ... ce n'est pas tout à fait la même température).
coulee.jpg

Pendant le refroidissement, dans le cas d'un moule ouvert à l'air libre comme ici, la surface du métal frissonne un peu et fait des paillettes pendant le refroidissement. On observe également
que la tension de surface du liquide créée des bords très arrondis. Dans le coin du plateau, en haut à gauche, on voit l'aspect des scories qui ont été écumées.
refroidissement.jpg

L'état de surface après refroidissement sur la surface libre montre clairement les défauts. Un moule fermé donne un résultat totalement différent, fort heureusement.
etat-de-surface-moule-ouvert.jpg

La partie basse (qui était donc en contact avec la tôle de la coupelle), est bien plus lisse, même si elle présente des différences de coloration et des marques que j'attribue au refroidissement
beaucoup plus rapide près des bords de la coupelle que plus loin.
etat-de-surface-contact-coupelle.jpg

En découpant un morceau de la petite galette qui état au fond de la seconde coupelle, on voit que l'ensemble est bien homogène. Les traits verticaux ne sont pas des paillettes dans le
métal, ce sont juste les traits de scie.
interieur-galette.jpg

Voilà, à ce niveau là (c'était en Septembre 2015), la fonderie pouvait être considérée comme opérationnelle. L'étape suivante allait nous permettre d'entrer dans le vif du sujet : les premières
pièces pour le tour Gingery, but du projet.
 
M

misty soul

Apprenti
La première partie de la fabrication su tour Gingery concerne le banc. La grosse difficulté si l'on veut un tant soit peu de précision,
ce sont les glissières. Sans fraiseuse et sans expérience, inutile d'envisager des glissières en queue d'aronde. D'autre part, dans la
série de Dave Gingery, le tour est l'étape juste après la fonderie, mais avant l'étau limeur et la fraiseuse horizontale, donc il a cherché
(et trouvé) un moyen de faire des glissières a priori précises sans fraisage.

Il dénomme ce système « box slide » (que l'on peut traduire par « glissières en boîte »), par opposition au système « dovetail slide »
pour les glissières en queue d'aronde. Le schéma suivant donne le principe, par une vue en section depuis la gauche.
glissiere-boite.png

Au centre, en noir, on voit la plaque qui forme la glissière du banc. Dans mon cas il s'agit d'une plaque en acier laminé à
chaud (ce choix est une erreur), de 80mm de large et 8mm d'épaisseur. La plaque fait 600mm de long, ce qui sera la
taille totale du tour. Les trois autres pièces, verte, rouge et bleue, constituent le trainard. La partie verte est la boîte de
la glissière, elle représente donc le corps du trainard. Elle est fabriquée en aluminium dans la fonderie. Dans la pratique,
sa forme est un peu plus compliquée, ce schéma rapide n'est là que pour illustrer le système de glissière. La partie rouge
est le lardon, simple tige carrée en laiton. Les deux parties bleues sont des petites plaques en acier également, vissées dans
la boîte et servant de plaques de serrage. Le trainard fait environ 80mm de large. Il ne peut coulisser que le long de la plaque
du banc (en noir), la boîte en vert et les plaques de serrage empêchant les autres mouvements. Les surfaces de guidage
qui doivent être usinées précisément sont les trois surfaces A, B, et C de contact entre la boîte et le banc, et la surface D
de contact entre le lardon et la banc.
Ce mécanisme de glissière en boîte (j'imagine qu'il a un nom dédié en français, j'aimerais bien le connaître) est utilisé
pour tous les guidages de toutes les machines Gingery. Il est très simple à construire ... mais très long à usiner précisément
puisque tout est fait par grattage sur une surface de référence, à la main.
Les fentes inclinées dans les angles de la boîte sont de simple traits de scie destinés d'une part à faciliter le grattage entre les
surfaces de glissement horizontales et verticales et d'autre part à permettre un dégagement pour les angles vifs du lardon
et du banc.

Le banc se limite donc à fondre une poutre en aluminium pour supporter la plaque noire du schéma ci-dessus, et à
fondre deux pieds pour supporter cette poutre.

Dans mon projet, j'ai un peu changé les dimensions de Gingery. D'abord pour avoir des chiffres ronds en millimètres
alors que les dimensions d'origine sont en pouces, et ensuite pour rigidifier un peu plus l'ensemble. Ma plaque d'acier
pour le banc fait donc 80mm et large et pas 76.2mm (3 pouces) et elle fait 8mm d'épaisseur et pas 6.35mm (1/4 pouce).
J'ai également suivi la démarche de Morgan Demers en ne faisant pas une poutre avec des lumières longitudinales
dans lesquelles les boulons de fixation de la plaque viendrait se positionner, j'ai fait la surface horizontale supérieure
pleine, et j'ai percé après.

Le principe de fonderie est de faire un modèle en bois de la pièce, et de tasser du sable autour pour faire une empreinte
dans un moule en deux parties. La partie inférieure se nomme « drag » en anglais, la partie supérieure se nomme «cope »
en anglais ; j'ignore les noms en français car je n'ai que les livres de Gingery et des video en anglais comme référence. Là
encore, si quelqu'un pouvait me donner les noms de ces deux moitiés de moule, je lui en serais reconnaissant. On enlève
ensuite le modèle en mois du moule à sable, on referme le moule qui a alors une cavité ayant la forme de la pièce désirée.
On fond l'aluminium et on le verse dans le moule, par des évents d'arrivée (sprue en anglais) pour qu'il remplisse l'espace libre.
Le sable que j'utilise ici est du sable vert, c'est à dire du sable (additionné de bentonite) et très légèrement humidifié pour
conserver sa forme après avoir été compacté autour du modèle en bois. Il faut prévoir un angle de dépouille (draft) sur
les modèles pour pouvoir les retirer sans déplacer le sable quand on retire le modèle en bois. Ce n'est pas toujours
évident et il y a parfois des petits accidents. Ceci se traduit par un peu de sable qui se décroche. S'il y en a peu, on se
contente de le souffler hors du moule doucement, cela fera un vide de plus dans le moule, donc un endroit où l'aluminium
viendra alors qu'il n'aurait pas dû, donc une boursouflure sur la pièce, qu'il faudra limer après. S'il y a beaucoup de sable qui
se décroche, il faut refaire le moule à sable. Parfois, il faut trois ou quatre essais avant d'avoir un moule correct.

La photo suivante montre le moule de la poutre du banc. C'est un moule très long (la poutre fait un peu plus de 600mm),
et relativement profond avec des évidements pour alléger la structure. Le moulage du sable est donc difficile à faire.
La photo ci-dessous montre le moule ouvert (la partie inférieure est à droite).
moule-banc.jpg

On ne le voit pas très bien, mais le premier pâté à l'avant plan était en fait resté coincé dans le modèle en bois quand je l'ai retiré.
Il a fallut le faire sortir délicatement sans l'abîmer puis le repositionner sur le moule en espérant qu'il resterait bien en place
lorsque l'aluminium fondu arriverait. Ce moule est donc compliqué et lourd à manipuler. Le banc est une des pièces délicates à faire,
et c'est l'une des premières qu'il faut faire, avec les bases associées ! À gauche, on voit la partie supérieure du moule, avec le gros
trou de coulée. Il faut pas mal d'aluminium pour cette pièce et il faut le verser vite pour qu'il se répande dans tous les interstices
avant de se solidifier. Après avoir coulé le métal, on attend avec appréhension, en surveillant qu'il n'y a pas d'aluminium qui fuit
entre les deux parties du moule, si ils ont été mal refermés.
refroidissement-banc.jpg

Il faut attendre une bonne heure avec une pièce de cette taille, et au bout d'une heure, quand on démoule, c'est encore très
chaud, on doit manipuler la pièces avec des pinces.
Premier aperçu du banc au démoulage, jusque là, ça va !
revelation-banc.jpg

En fait, après avoir enlevé tout le sable, le banc s'est avéré à peu près réussi du premier coup ! Je crois que j'ai eu
beaucoup de chance.
banc.jpg

En fait, j'avais déjà fait les bases quelques temps auparavant.
Voici la base côté moteur juste sortie de son moule à sable, avec le modèle en bois à côté.
base-moteur-brute.jpg

Et la même, quelques jours plus tard, après des heures de limage à la main.
base-moteur-propre.jpg

Le banc brut à côté de ses bases
banc-et-pieds.jpg

Après un premier dégrossissage, voici ce que donnait le banc sur ces bases, le lendemain de la coulée :
banc-et-bases-propres.jpg

Là, on pouvait se dire que l'on avait fait un grand pas en avant. Mais en fait, le plus dur était juste devant nous, l'étape suivante s'est révélée beaucoup plus coriace et surtout, longue ...
Je vous la raconterais au prochain épisode.
 
Dernière édition:
M

misty soul

Apprenti
Ce billet pourrait s'intituler les affres du grattage...

Les machines conçues par David Gingery, si elles sont rudimentaires, ont tout de même vocation à être relativement précises. Cet objectif
peut être atteint même sans équipement moderne. En ce qui concerne les plans de contact (que ce soit pour des fixations comme la
plaque du banc sur la poutre ou que ce soit pour des glissements comme le trainard sur la plaque du banc), la méthode préconisée par
Gingery est basée sur la technique ancienne du grattage manuel (hand scraping en anglais). J'ai cru comprendre que malgré son âge
respectable et son coût probablement très élevé en production, cette technique était encore pertinente pour obtenir une précision ultime
sur les glissières des machines haut de gamme.

Le principe du grattage est de disposer en premier lieu d'une surface de référence plate. On enduit cette surface d'une très fine couche
de colorant (principalement du bleu de prusse, probablement en raison à la fois de la finesse des pigments et de leur grande capacité
de coloration même en couches infimes), puis on pose doucement la surface imparfaite de la pièce à usiner sur le plan de référence et
on frotte doucement. La surface étant imparfaite a des creux et des bosses, et comme les bosses (qui sont à l'envers quand on frotte
la pièce) sont seules en contact avec la surface de référence, elles collectent le bleu et se colorent, alors que les creux sont au dessus
de la couche de bleu et ne se colorent pas. On retire alors la pièce et l'on voit les points de contact, que l'on va gratter avec un outil,
genre de ciseau à bois mais avec un bord plat, c'est à dire un coin tranchant avec un angle plus proche de 90° que de 10°. Après ce
cycle marquage/grattage, on a retiré les bosses les plus élevées sans toucher aux creux (en gros) et on a donc réduit l'écart entre creux
et bosses. Ensuite on recommence, puis on recommence ... jusqu'à ce que l'on obtienne une surface non pas totalement bleue (ce qui
serait plus une indication que l'on a mis une couche trop épaisse qu'une indication qu'on a un plan parfait), mais plutôt une surface
constellée de plein de petites tâches bleues, indication qu'il y a beaucoup de points de contacts bien répartis, et donc que notre
surface imparfaite est devenue moins imparfaite et est très proche du plan de référence.

Ça, c'est la théorie.

Dans la pratique, dans le cadre de la construction des machines Gingery, le candidat à la construction n'a en général pas trop de
matériel, et en particulier pas de plan de référence (un marbre). Qu'à cela ne tienne, Gingery a une solution, qu'il n'expose
malheureusement que dans le troisième ouvrage, celui sur l'étau limeur, et pas dans le second ouvrage, celui sur le tour. Il conseille
de se procurer des plaques de verre relativement épais. Il recommande d'utiliser du verre en plaque (plate) plutôt qu'en feuille (sheet),
car il est plus plan. De notre côté de l'atlantique, et à l'époque moderne, je pense qu'il s'agit de la différence entre verre flotté et verre laminé,
et il semblerait que le verre flotté soit désormais le plus courant. Si on prend deux plaques de verre et que l'on met un mélange
d'abrasif en poudre très fin et d'eau entre les plaques et qu'on frotte, on obtient deux surfaces qui ne peuvent avoir d'aspérités et qui
sont quasiment planes, on se fabrique ainsi son marbre.

Petite digression optique. En réalité, le fait de frotter deux surfaces avec des abrasifs intercalés génère à terme automatiquement deux surfaces
qui sont en permanence en contact l'une avec l'autre, quel que soit leur décalage latéral ; non seulement les aspérités sont gommées, mais même
les grandes déformations (par exemple une surface qui ne porterait sur l'autre que par les bords) sont gommées et les surfaces s'épousent
parfaitement. Les seules surfaces qui possèdent cette propriété de contact permanent quel que soit le décalage sont des portions de sphères
de même rayon, l'une des pièces devenant concave et l'autre convexe. Selon la façon dont on réalise le rodage de ces surfaces (en appuyant plus
ou moins au centre ou au bord, en changeant la forme des courses, en intervertissant les plaques supérieure et inférieure), on change le rayon de
courbure de ces sphères. Pour obtenir un plan, on cherche tout simplement à faire grandir le rayon commun des sphères à la plus grande valeur possible.
En théorie, on a un plan quand le rayon des sphères devient infini. En pratique, si on considère une surface de 1m de côté (un beau
marbre), dès que le rayon des sphères atteint 125km, la flèche de la calotte sphérique devient inférieure à 1 micron. On peut donc s'arrêter
avant l'infini...

Il y a plus de 25 ans, j'ai fait ce genre de rodage (puis du polissage) pour fabriquer un miroir de télescope, sauf que je cherchais à l'époque
un rayon particulier de l'ordre de grandeur de quelques mètres, et qu'il fallait à la fin rabattre les bords pour obtenir un paraboloïde et pas une
sphère. Par contre, la précision recherchée était diabolique : il fallait une surface meilleure qu'un 1/8 de la longueur d'onde de la lumière
jaune (560nm), soit une surface précise à au moins 0.07 micron, voire mieux. De mémoire j'avais obtenu un peu plus de deux fois mieux.
C'était de l'optique, pas de la mécanique, mais on obtenait ça également entièrement à la main, en frottant des bouts de verre l'un sur l'autre
pendant des mois.

J'avais donc l'expérience de faire des surface ultra-précises, mais sur des disques de verre assez petits (260mm de diamètre pour mon
télescope d'il y a 25 ans), pour des rayons de sphères petits (il est en fait bien plus difficile de faire un plan qu'une sphère, car au cours
du travail on a en fait toujours la plaque du dessus qui a tendance à devenir concave et l'autre convexe, donc il faut alterner les plaques).
Si au lieu de deux plaques on en utilise 3 et que l'on alterne le rodage entre tous les couples possibles, on évite en fait automatiquement la
dérive vers une sphère. Cependant, ce travail reste très long, trop long pour juste faire la surface de référence. J'ai donc opté pour la
solution de facilité, ou la solution du lâche... j'ai acheté un petit marbre de 30x30cm.

La technique de marquage au bleu indiquée ci-dessus semble être la méthode standard. Je me suis rendu compte a posteriori que Gingery
décrivait quelque chose de légèrement différent : il appose le bleu sur la pièce et regarde le bleu qui est parti car il a été emporté par
la surface de référence. Cela me paraissait un peu délicat, aussi je suis resté au standard décrit ci dessus et c'est bien le marbre sur lequel
la couche fine uniforme est apposée, et après le marquage de la pièce ce sont bien les zones bleues qui indiquent les bosses.

Gingery dit également que pour le bleu, on peut se contenter de prendre une peinture à l'huile pour artistes peintres. J'ai commencé comme
cela, mais ce n'est pas idéal. La consistance est très collante, et même si on arrive à faire des couches fines, cela bave lors du marquage.
J'ai ensuite pris un bleu trouvé sur internet (Stuarts engineering blue) qui ne marchait pas mal mais bavait encore un peu. J'ai enfin fini par
trouver le bleu de référence cité par tout le monde (Dykem Hi-spot blue). Franchement, maintenant je n'utilise plus que ce dernier. Il me
semble plus fluide permet des couches plus fines (donc permet de détecter des bosses plus petites) et surtout quand on regarde la pièce
après marquage sur le marbre, on a l'impression que la couleur n'est vraiment que là où il y a contact, pas partout autour. Avec les autres
bleus, j'avais tendance à avoir des zones assez étendues (de grosses taches en somme), même sur la fin du grattage. Là, j'obtiens vers
la fin le même genre de choses que l'on voit dans les vidéos : une constellation de petites taches.

Ainsi équipé, j'ai commencé l'usinage de la surface supérieure de ma poutre en aluminium. Pour éviter de la rendre place puis de la déformer
en la fixant sur les bases, j'ai fixé les bases en premier, et j'ai usiné la surface après.

Je suis désolé, je n'ai aucune photo de la phase de grattage de la surface supérieure de la poutre et des surfaces inférieure et supérieure
de la plaque en acier. Le grattage de la poutre et de la surface inférieure de la plaque a pour but de pouvoir fixer cette dernière sans qu'elle
gauchisse. Le grattage de la surface supérieure de la poutre a pour but de faire les surfaces de glissement. Pourtant, j'avais le temps d'en
faire des photos ... le grattage m'a pris deux mois (du 10 Novembre 2015 au 10 Janvier 2016) ! Je travaillais avec quand même pas mal de
constance, tous les week-ends pendant des heures et des heures, et tous les jours pendant deux
semaines autour des fêtes. Cette phase a été totalement démoralisante. On n'avance pas, puis on
fait quelques progrès, le bleu commence à marquer sur toute la longueur mais d'un seul côté, on tente de baisser ce côté en grattant avec
plus d'énergie et on alors on régresse et cela ne marque plus aux mêmes endroits. Au cours de l'apprentissage, la surface se dérobe à nous,
on a un peu l'impression de jouer au chat et à la souris. C'est très certainement le fait de ne pas gratter comme il faut, d'appuyer trop ou de
faire des courses trop longues.

Un autre problème est que pour la plaque, j'étais parti d'une plaque en acier laminé à chaud et pas en acier étiré à froid comme conseillé par Gingery
(je n'en avais pas trouvé à ce moment là, et je m'étais dit que cela irait bien). Grave erreur ! La plaque était en effet très loin d'être plane,
en tout cas à l'échelle de ce que l'on fait à l'étape du grattage. On observait des bandes transversales alternées de creux et de bosses,
j'imagine liées au système de laminage. Les bords étaient arrondis au lieu d'être plats et perpendiculaires aux faces. La plaque était
légèrement arquée.

Mon marbre était trop petit ; je ne pouvais marquer que sur la diagonale et en deux fois, ce qui n'est pas idéal et est moins
précis. C'était cependant ma seule surface de référence possible, comme je l'ai écrit plusieurs fois, pour l'instant je n'ai pas de
fraiseuse, pas de table croisée. Donc j'utilise le marquage et je tente de mesurer le parallélisme avec un comparateur sur le marbre,
mais sans pouvoir faire de mesure d'un bout à l'autre de la plaque, je suis obligé de mesurer par moitiés et de la déplacer sur la
diagonale de mon petit marbre.

Au bout de plusieurs semaines de travail totalement inefficace, je me suis dit qu'en fait ma surface était trop loin d'un plan et que tout
ce que j'arrivais à faire, c'était corriger des défauts minuscules au début d'une surface arquée, et que corriger l'arc nécessitait d'enlever
bien plus de matière que je ne pouvais le faire avec du grattage. J'ai lu quelque part que le grattage, c'est quand on est dans les
derniers centièmes, aors que je pense que j'étais plutôt dans les dixièmes. Sans fraiseuse, j'ai utilisé les moyens du bord : une lime électrique
puis une ponceuse excentrique... La lime électrique, c'est le grattoir électrique biax du pauvre.

J'ai même tenté de faire un dégrossissage en utilisant la technique du mélange émeri en poudre et eau entre deux plaques (j'en avais trois de
la même taille), comme j'avais 25 ans auparavant dégrossi mon miroir de télescope. J'ai utilisé du carborundum et du corindon. Cela a en fait
relativement bien marché mais à eu une conséquence inattendue : je n'arrivais plus à faire de grattage, mes grattoirs glissaient sur la surface,
ce qui m'a valu une période de découragement total. Le bon côté, c'est que j'avais au moins un truc à peu près droit et pas un arc de cercle.

J'ai pû reprendre le grattage en utilisant à nouveau, avec parcimonie, la lime électrique puis un nouveau grattoir au carbure.

Vers la fin, je n'utilisais plus le marbre pour ajuster la face inférieure de la plaque d'acier sur la poutre en aluminium, mais j'utilisais l'une
des surfaces comme référence et je grattais l'autre.

Au bout de deux mois, j'ai décrété que les surfaces étaient suffisamment en contact pour que je les fixe ensemble, et que je corrigerais
le gauchissement résiduel sur la banc totalement assemblé.

La photo suivante montre ledit banc assemblé à ce moment là, après ces deux mois de galère. Beaucoup de travail, et en fait on ne
voit quasiment rien, juste une bête plaque en acier boulonnée sur un morceau d'aluminium qui semble mangé par les mites...
banc-monte.jpg

Cette étape a été longue, éprouvante et difficile. Certes, je l'ai franchie, mais uniquement parce que j'ai décrété que les surfaces collaient bien. Il y avait pas mal de
points de contact, tout le long, mais il y avait aussi deux zones sur les bords, d'environ un centimètre de large sur une dizaine de centimètres de long, où je n'ai
jamais été capable d'avoir le moindre contact. Il y avait manifestement deux creux dans ma poutre, dont je ne saurais donner la profondeur (peut être un ou
deux centièmes, peut être 5 centièmes, peut être plus, je l'ignore).

L'assemblage est rigide, la plaque et la poutre sont bien solidaires. Plus d'un an après, rien n'a bougé et j'ai finalement pu faire les glissières (les surfaces A et B du billet
précédent) d'une façon à peu près satisfaisante.

En Janvier 2016, je pouvais penser à l'étape suivante de la construction : faire le corps du trainard, avec les glissières en boîte.
 
Dernière édition:
M

midodiy

Compagnon
:prayer:Quel travail, tu as bien du merite!
N'as tu pas pensé a intercaler entre banc et plaque une colle loctite qui aurait comblé les manques de perfection?
Et il me semble que le plus dur reste a faire, le grattage du dessus de la plaque...
 
M

misty soul

Apprenti
Merci pour les encouragements !

Non, je n'avais pas pensé à combler les trous... Je pense que je vais utiliser cette astuce pour les
autres glissières, sur le trainard. Merci pour le truc !

Aller, un petit spoiler : le grattage du dessus de la plaque a été fait il y a une ou deux semaines
à peine... J'y ai passé probablement 3 semaines en travaillant tous les jours (j'étais en arrêt de
travail et il fallait que je me vide un peu la tête). Je montrerais les résultats dans un ou deux post.
 
M

misty soul

Apprenti
Le banc étant assemblé, il était temps de passer au trainard.
Comme indiqué dans un message précédent, il est constitué d'une corps en
aluminium qui forme la partie supérieure d'une boîte glissant sur le banc.

Première tentative fin Janvier 2016, voici la pièce brute juste sortie de son moule
à sable (on voit encore le gros cylindre du trou de coulée), présentée avec le modèle
en bois, pour une vue de dessous (on voit les patins de glissement). Manifestement,
une partie du sable s'était effondrée en sortant le modèle du moule après la prise
de l'empreinte, et donc le patin de glissement en bas à droite présente un gros
paquet d'aluminium qu'il faudra éliminer ...
trainard-dessous.jpg

La vue de dessus montre l'évidement dans lequel passera ultérieurement la vis du chariot transversal.
trainard-dessus.jpg

La vue de côté donne une idée de la glissière en boîte, avec les deux patins destinés à s'appuyer sur la plaque du banc :
trainard-cote.jpg

Même si la photo précédente est trompeuse à cause de la perspective (le trainard est bien plus épais que cela, ne serait-ce
qu'à cause de l'emplacement de la vis du chariot), dans la réalité le modèle était bel et bien trop mince.
Le sable que j'utilisais à ce moment là état relativement grossier. J'avais pris le plus fin disponible en grande surface de
bricolage, mais cela restait assez gros. L'état de surface de la pièce est déplorable, même pour une pièce brute de fonderie.
Il y a des trous partout et des inclusions de sable.

Cette pièce et les clones qui lui ont succédés ont donc nécessité encore de longues heures de limage puis de grattage pour avoir
des surfaces de glissement correctes. Il y a eu plusieurs clones, car chaque pièce sortie de fonderie était d'abord considérée
comme pouvant être utilisée moyennant le limage des plus gros défauts (donc l'abaissement ou l'écartement des surfaces), puis
au bout d'un temps non négligeable, je jetais l'éponge, la pièce devenant trop mince et les surfaces en regard trop éloignées
pour être utilisées. Je pense avoir coulé cette pièce 4 ou 5 fois.

Un déménagement et des travaux importants à faire dans mon nouveau domicile ont également mis le projet en sommeil pendant
de longs mois.

J'ai également amélioré grandement mon outillage pendant cet intervalle de temps, ayant eu la chance de trouver un petit
étau-limeur manuel rapide-lime d'occasion (vous pouvez voir les messages dans le fil de discussion dédié, par là : https://www.usinages.com/threads/notre-rapide-lime.11502/page-44#post-1054741).
Certes, c'était déroger au suivi scrupuleux des ouvrages de Gingery, j'en suis conscient, mais vu l'âge et la technologie
du rapide-lime, je trouvais que cela restait dans l'esprit du projet. De toute façon, il me semble que Gingery lui-même
écrit que si on a certains équipements pouvant aider (je pense que c'est quand il parle d'une perceuse sur colonne),
il faut les utiliser. Les vidéos de Morgan Demers montrent d'ailleurs que lui aussi a succombé à la tentation de la
modernité, et qu'à partir d'un certain temps, il a eu une petite fraiseuse et qu'il l'a utilisée.

Petit saut dans le temps : un arrêt de travail de plus de deux mois m'a donné beaucoup de temps libre pour redémarrer
un peu le projet début 2017. J'ai donc repris la fabrication du trainard à zéro, en coulant une nouvelle pièce. Pour la dernière
tentative, j'ai modifié le modèle en clouant des morceaux de contre-plaqué pour avoir plus de marge et enlever les défauts
monstrueux que je produisais systématiquement en sortie de fonderie. J'ai également changé mon sable, ayant pu me
procurer du sable de Fontainebleau, réputé pour cela, avec une granulométrie de l'ordre de 0.3mm (sable auquel j'ai
bien entendu à nouveau ajouté de la bentonite). Le modèle plus épais, le sable plus fin, un poil plus d'expérience, le
rapide-lime pour dégrossir les surfaces planes, du temps disponible, tous ces facteurs m'ont enfin permis de finir le trainard,
il y a environ une semaine.

Voici donc une photo du trainard posé sur le banc. On voit sur le dessus les vis destinées à maintenir la plaque pour la
glissière du chariot transversal, et à l'arrière des vis temporaires pour le réglage du lardon. La surface supérieure,
qui recevra la plaque du chariot, a été grattée, ainsi que les patins horizontaux et verticaux de la glissière en boîte.
On voit sur cette image que le trainard est sur le banc, et que la surface supérieure du banc a également été
grattée. En fait, j'ai fait une gorge de quelques dixièmes de millimètres de profondeur au milieu du banc et sur
environ 40mm de large pour séparer les glissières avant et arrière. Ceci m'a permis de gratter le banc en réduisant
les surfaces à ajuster (de toute façon, la partie centrale n'est pas en contact avec le trainard). Comme le banc
fait 600mm de long, il était bien trop long pour que je fasse cette gorge au rapide lime, je l'ai donc faite avec mon
arme de prédilection : la lime électrique. Ceci explique les défauts de cette partie ... j'ai honte.
trainard-sur-banc-sans-glissiere.jpg

Le grattage du banc, même avec cette bande centrale enlevée, m'a pris un temps inimaginable. J'ai peut être fait 50 ou
100 passes. Je rappelle tout de même qu'au départ j'avais un truc assez gondolé et très loin de ce qui est raisonnable pour
démarrer un grattage. À ce niveau là, j'aurais du faire du fraisage pour dégrossir d'abord, faire une passe de finition ensuite,
et seulement après gratter. J'aurais du partir sur un matériau plus proche de l'objectif. Gingery dit qu'il faut utiliser de l'acier
étiré à froid et pas du laminé à chaud, en indiquant que c'est nettement plus proche des dimensions désirées et plus plat,
il a certainement raison !

Pour la plaque supérieure du trainard, destinée à servir de glissière pour le chariot transversal, j'utilise toujours le même
matériau (j'avais acheté en une fois le nécessaire au début du projet ...). Cependant, là je peux améliorer un peu les choses
avec le rapide lime. J'ai donc commencé à faire sur cette plaque une gorge similaire à celle du banc, mais au rapide-lime
car la dimension est juste suffisante :
plaque-trainard-evidement.jpg

Cette petite machine est vraiment très bien.
Voici la plaque avec sa gorge et montée sur le trainard :
plaque-trainard-assemblee.jpg

À ce sujet, Gingery donne une méthode que je trouve un peu laborieuse pour avoir une bonne perpendicularité entre le
déplacement du trainard sur le banc et l'un des côtés de la glissière du banc. Il cale une cornière en T sur une équerre, puis
aligne une règle métallique sur la cornière en T pour en gros remonter la perpendiculaire du niveau du banc au niveau de
la glissière transversale.

J'ai pour ma part utilisé une méthode trouvée dans un petit cours sur le grattage acheté en ligne. On fixe une équerre de
précision sur la glissière transversale avec des serre-joints de façon à ce que l'une de ses branches soit bien alignée avec
le côté de cette glissière (j'ai simplement utilisé une cale parallèle plaquée contre le champ de la glissière et de l'équerre
pour ce faire). L'autre branche de l'équerre est horizontale, en gros dans le sens longitudinal du banc, et plusieurs centimètres
au dessus de celui-ci. Plutôt que de tenter de reporter verticalement la projection de cette branche (ce qui serait en gros
équivalent à ce que fait Gingery avec sa cornière, qui n'est sûrement pas très précise), on se contente de déplacer le
trainard le long du banc avec un comparateur palpant la branche de l'équerre. Si le comparateur dévie, c'est que la branche
indiquée n'est pas parallèle au banc, donc que l'autre branche n'est pas perpendiculaire, et donc que la glissière n'est
pas perpendiculaire. On corrige donc l'orientation de la plaque, qui a cette étape n'était fixée que par une vis. une fois la
bonne orientation trouvée, on peut percer les trous, simultanément dans la plaque et le corps du trainard, et les visser
ensemble. Un ajustement final minimum devrait être encore possible lors du grattage des champs de la plaque constituant
la glissière transversale.

À ce niveau, il reste à gratter cette glissière. au moment de la rédaction de ce billet, je n'ai pas encore fait cette étape.
J'ai commencé le fabrication de la pièce suivante (le chariot transversal), qui sera décrite dans le prochain billet, puis
je ferais le grattage de ces deux éléments de façon coordonnée, l'une servant de référence à l'autre.
 
M

misty soul

Apprenti
Oups, j'ai oublié de mettre une photo de la glissière en boîte du trainard, avec le lardon.
La voici :
trainard-detail-boite.jpg

Pour la photo, le trainard a été mis à l'extrémité du banc. On voit donc la base, le bout de la plaque du banc, le lardon, le
corps du trainard, et les plaques métalliques servant de pinces.
 
M

misty soul

Apprenti
Digression sur le sable de fonderie.

Les pièces en aluminium du tour Gingery sont réalisées dans une fonderie artisanale, avec la technique
des moules à sable vert. Le terme « sable vert » (Gingery parle de « green sand » dans son livre en
anglais) fait référence au fait que le sable est très légèrement humide et pas du tout à sa couleur. C'est
la même notion qui est sous entendue par exemple dans le terme « bois vert ». La très légère humidité
permet au sable de rester aggloméré pour former une empreinte sans s'effondrer. Une alternative au
sable vert est qualifiée de « sable à l'huile » (« petrobound ») dans lequel c'est une huile qui assure
la cohésion et pas de l'eau.

J'ai choisi d'utiliser du sable vert car cela me semblait plus facile à faire et surtout à réutiliser sur le
long terme. Lorsque le métal en fusion arrive dans le moule, l'eau s'évapore et ne laisse pas de traces.
Le sable devenu sec pourra après démoulage être de nouveau humidifié et réutilisé sans problème. L'huile
du sable à huile par contre va brûler et laisser des traces. Pour réutiliser le sable, il faudra le reconditionner
(il me semble qu'il faut construire un espèce de moulin pour cela).

Le sable doit être additionné d'un composé argileux absorbant beaucoup l'eau, on utilise classiquement
de la bentonite. La bentonite est l'un des composants majeurs de ... la litère pour chats (enfin les litières
minérales). Certains recommandent donc d'acheter un sac de litière, très bon marché, et de la moudre
avant d'incorporer la poudre dans le sable. J'ai tenté cette recette, en utilisant un vieux moulin à café
électrique destiné à la poubelle. Cela marche, mais c'est très long et le moulin n'a pas résisté. Après
une bonne demi-heure, j'avais préparé peut-être 100g de poudre et le moulin était grillé. Moudre en
enveloppant les granulés dans une bâche et en frappant dessus à coups de marteau ne donnait pas de
bons résultats, les grains étaient trop gros. J'ai donc opté pour l'achat de bentonite (bentonite C clair
disponible en conditionnements de 1kg à 25kg chez mon-droguiste.com). En gros, j'ai utilisé la moitié
d'un sac de 5kg pour 25kg de sable, soit 10% en poids.

Le premier sable que j'ai utilisé était le sable le plus fin trouvé en grande surface de bricolage. Cela
marchait, mais l'état de surface n'était pas terrible, comme vous avez pu le constater sur les photos
des pièces précédentes. J'ai ensuite trouvé du sable de granulométrie 0.1 à 0.35mm, du sable de
Fontainebleau, chez lemarchanddesable.fr. Il est clair qu'acheter 25kg de sable par correspondance
et le faire livrer n'est guère économique : le coût du transport pour environ 600km est presque
équivalent au prix de la matière première. Le sable ne s'usant guère, l'investissement est quand même
sur le long terme, ceci relativise donc le coût.

Pour mélanger sable et bentonite, on peut soit le faire à la main, soit utiliser un mélangeur à peinture
monté sur une perceuse un peu puissante car le mélange est lourd. Attention cependant aux poussières.
La bentonite est vraiment très fine et je ne pense pas qu'il soit très sain de la respirer, d'autant qu'elle
absorbe énormément l'eau et doit donc bien coller dans les bronches. Il vaut mieux porter un masque
anti-poussières. Pour ma part, j'ai commencé à mélanger ainsi à sec, puis j'ai ajouté l'eau. L'ensemble
ne me semblant pas avoir une cohésion suffisante quand je serrais un bloc dans mon poing, j'ai ajouté
de la bentonite, puis encore un peu d'eau.

La bonne texture s'obtient en prenant du mélange dans la main et en serrant le poing. Quand on
desserre les doigts, le bloc doit rester bien formé et on doit voir l'empreinte des doigts bien marquée,
comme sur la photo suivante :
consistance-sable-1.jpg

Si ensuite on brise le bloc moulé, les deux morceaux doivent se séparer sans que des miettes tombent
(on devrait pouvoir reformer le bloc en refermant les deux morceaux), comme on le voit sur l'image suivante :
consistance-sable-2.jpg

Comme on le voit, le sable ne doit pas être vraiment mouillé. Trop d'eau serait dangereux, car le métal en fusion vaporise l'eau
instantanément et s'il y en avait beaucoup, on aurait une explosion de sable et de métal en fusion. Avec la consistance et le
taux d'humidité des images ci-dessus, il n'y a pas assez de vapeur pour que quoi que ce soit soit projeté, le moule reste
intact et le métal y reste enfermé et peut se refroidir dans l'espace qui lui est destiné. Il est également recommandé de prévoir
des petits trous de ventilation dans le sable à proximité de la pièce, afin que la vapeur puisse s'échapper à travers le sable
plutôt que faire des bulles à la surface du métal, rendant la pièce inutilisable (à moins que beaucoup de marge n'ait été prise
pour justement pouvoir usiner la première couche avec les bulles et les autres aspérités). Pour ma part, j'utilise simplement
des aiguilles à tricoter, et je fait une demi douzaine de trous à la surface. Si par erreur je ne jauge pas correctement la
profondeur de mon trou, j'obtiens parfois sur ma pièce en aluminium une tige verticale (une stalagmite en somme) qui est
un moulage quasi parfait de mon aiguille à tricoter ! C'est assez amusant en fait, et cela s'élimine facilement avec un pince coupante
et un coup de lime.

Après démoulage de la pièce, le sable reste chaud très longtemps, il faut prendre garde à ne pas se brûler. Il est également
très sec, et il faudra le ré-humidifier pour pouvoir le réutiliser. Le sable ayant séché avec sa bentonite collante, on a des
blocs de sable assez solides, comme dans la photo ci-dessous :
bloc-sec.jpg

Si l'on casse ces morceaux (et il faut les casser pour pouvoir mélanger le sable et l'eau et avoir un mélange qui puisse se
mouler sur le modèle en bois), le sable tombe réellement en poussière, on voit que l'on est loin de la texture recommandée
et de la brisure nette de la seconde photo. Voici ce que donne le même petit bloc que ci-dessus après l'avoir serré entre
deux doigts et qu'il se soit brisé d'un coup :
bloc-sec-brise.jpg

Si d'aventure en humidifiant le sable on dépassait le taux raisonnable (ou si l'on oublie son bac à sable dehors avant un
orage, ce qui m'est arrivé ...), alors il ne faut pas l'utiliser pour fondre tel quel. L'eau et le métal en fusion ne font pas
bon ménage du tout. Il faut sécher le sable, soit simplement en laissant le bac ouvert plusieurs jours pour que l'eau en
excès s'évapore, soit en soufflant de l'air chaud dessus (attention aux poussières).
 

Sujets similaires

L
Réponses
10
Affichages
681
copeaudacier
C
L
Réponses
26
Affichages
1 128
DDMIL
F
Réponses
11
Affichages
1 344
jeanmichel1946
jeanmichel1946
E
Réponses
45
Affichages
2 563
Lechattom
L
SuperSpinach
Réponses
18
Affichages
1 255
SuperSpinach
SuperSpinach
D
Réponses
19
Affichages
714
yvon29
yvon29
Vik'TheBike
Réponses
16
Affichages
2 335
FB29
FB29
fuma
Réponses
32
Affichages
1 036
Vapomill
Vapomill
A
Réponses
18
Affichages
995
Marc le Gaulois
M
@
Réponses
17
Affichages
534
@YakumO4444
@
@
Résolu SCHAUBLIN 50
Réponses
13
Affichages
805
@YakumO4444
@
F
Réponses
61
Affichages
2 265
F
D
Réponses
22
Affichages
948
jungo1
J
@
Réponses
18
Affichages
883
thierry74
thierry74
Haut