Restauration d'une montre à secondes indépendantes

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orlogeur

Nouveau
Bonjour à tou.te.s!

Je vous propose un petit reportage photo de la restauration d'une montre à secondes indépendantes, pensant que ça fera plaisir aux pasionné.e.s et amateurs du forum.

Petit rappel technique pour les puristes : on parle de secondes indépendantes lorsque qu'un rouage spécial (avec barillet) est utilisé pour afficher la seconde (il se termine souvent, comme c'est le cas ici, par un pignon portant un doigt qui vient dans les ailes du pignon d'échappement et qui fait un tour complet dès qu'il "ripe" de l'aile du pignon d'échappement). On parle de secondes mortes lorsqu'il n'y a pas de barillet supplémentaire mais une combine qui fait bouger le rouage qu'une fois par seconde (via l'échappement notamment, cf échappement Jacot).
Elle dispose d'un mécanisme de stop-seconde (qui en fait un chronographe primitif) qui s'actionne en appuyant sur le bouton au-dessus de la couronne.

Voici la bête :
111.jpg


11.jpg


112.jpg


Les plus observateurs remarqueront que quelque chose ne va pas.


Description de la montre :

Il s'agit d'une montre de bonne facture de la fin du XIXème siècle. On remarque un système de remontage double : lorsqu'on tourne la couronne dans un sens on remonte le mouvement, lorsqu'on la tourne dans l'autre sens on remonte la seconde indépendante. Il n'y a donc pas de denture Bréguet sur les pignons coulant et de remontage :
115.jpg


La finition de l'ancre est assez impressionnante :
114.jpg


Une fois démontée :
113.jpg


Le problème initial était la casse du pivot de secondes indépendantes. Lors du démontage je m'aperçus qu'il manquait un doigt d'arrêtage (celui du barillet de secondes) et que le dispositif de stop-seconde avait été bricolé et n'était plus fonctionnel (mais s'il l'avait été une restauration s'imposait, cf plus bas).


Replantage du pivot de secondes indépendantes

La première étape fut la prise de côte du trou de la pierre de seconde et du trou du canon de l'aiguille de seconde pour pouvoir redimensionner le pivot manquant :
122.jpg


123.jpg


Ensuite il fallu fabriquer ledit pivot. Sa géométrie étant assez complexe (environ 0.25mm de diamètre sur 6.5mm de long), je partis dans de l'acier trempé revenu et l'usinai par tranche d'un peu plus de 2mm de long pour toujours travailler assez proche de la pince et ne pas risqué de le casser :
127.jpg


La roue de seconde n'ayant pas de portées sur laquelle je pusse la serrer, je dus fabriquer un posage pour venir la tenir en vue de percer l'axe. J'en fis un avec chambrage du diamètre de tête de la roue (qui rentrait donc sans jeu dedans) et le fendis pour pouvoir la serrer légèrement. Le serrage étant très faible et agissant sur toutes les dents, celles-ci ne craignaient rien.
124.jpg

125.jpg

126.jpg


Finalement, avant le perçage du pivot, une contre-pointe fut installée pour garantir une bonne concentricité. Il s'agit d'un dispositif fabriqué par Luc Monnet, en fait une plaque de Cupro-Bérilium fixée sur un support guidé sur le banc du tour. Il faut donc percer la plaque au diamètre voulu (celui dans lequel le pivot est replanté), en tenant le foret en pince dans la poupée pour une concentricité impeccable :
DSC06027.jpg


La roue dans son posage et guidée à son extrémité :
DSC06028.jpg


Le trou peut finalement être pointé et percé :
DSC06029.jpg


Et le pivot chassé, à la contre-poupée pour qu'il soit bien droit :
128.jpg


Et voilà :
129.jpg
 
O

orlogeur

Nouveau
Fabrication du doigt d'arrêtage

Le doigt étant absent, il fallu retrouver les cotes. Pour ce faire je pris des cotes : sur le mouvement (carré de l'arbre de barillet), sur sa croix de malte (diamètre extérieur), sur le doigt du second arrêtage (il est plus gros mais je pus déterminer le facteur d'échelle grâce au rapoort entre les deux croix de malte), et d'après le tracé théorique de cet arrêtage, décrit dans le magnifique livre de M. Augereau sur les engrenages horlogers.
DSC06043.jpg


Il s'agit ensuite de le fabriquer... A la pointeuse (Hauser 2A2) d'abord :
DSC06044.jpg

DSC06046.jpg

DSC06048.jpg


Coucou hibou :
P1070115.jpg


Puis l'étampage du trou carré. Je commençai par faire un poinçon en acier trempé dur :
DSC06051.jpg


mais il ne tint pas le coup et dû en refaire un en carbure :
DSC06054.jpg


qui alla cette fois. Un peu de limage et de test sur le mouvement et voilà :
P1070154.jpg

P1070172.jpg



Le stop-seconde

Un travail pas très délicat fut fait pour tenter de faire marcher le stop-seconde.
rr.jpg


La "vis" visible se positionne dans le mouvement juste au-dessus du pignon de remontoir et un canon ajusté sur la tige de remontoir vient appuyer dessus.
La tête de vis cassa lors du démontage... je dû donc détremper le levier, repercer et tarauder et refaire les finitions du levier qui avait été limé grossièrement à cet endroit. Je retrouvai une vis que je mis aux dimensions par tâtonnement, prendre des cotes à cet endroit n'étant pas évident.
rrr.jpg


rrrr.jpg



Poli des vis

Les petites vis des rochets / roue de couronne étant bien abîmées, je les repolis au zinc et au tripode :
P1070185.jpg

P1070175.jpg

P1070179.jpg


...puis les fentes récupérées comme j'ai pu en refaisant l'anglage de la fente. J'utilisai la méthode de Luc Monnet une nouvelle fois, en les frappant avec un outils poli :
P1070189.jpg


L'angle est d'un peu plus de 100°, ce qui ne crée pas de bavure sur le plat de la tête.

Après nettoyage, remontage et quelques petits réglages, voici le résultat :
z.jpg


zz.jpg


zzz-e1442568528126.jpg


Merci de m'avoir lu :)
 
V

vibram

Compagnon
Magnifique !
Merci pour ce photo reportage, on en veut d'autres :)
 
B

brise-copeaux

Compagnon
Salut,

Super le reportage avec de belles explications et photos. :smt023

@ +
 
L

Le débutant

Compagnon
Quel "amour du métier" faut-il pour arriver à cela ? Merci de partager . Chapeau !:prayer::smt038
Cordialement
 
O

orlogeur

Nouveau
Merci pour vos commentaires! J'ai l'intention de continuer :wink:
 
F

francis75

Ouvrier
Bonjour,

Bravo pour ce reportage si intéressant.
J'aurais 2 questions, concernant la réfection des vis.
ça m'intéresse car il est si courant d'abimer des vis au démontage, et on n'a ni forcément l'envie de les refaire, ni celle de les laisser en l'état.
Alors votre expérience est des plus instructive.

1 - Qu'est-ce que le polissage au zinc et tripode ?

2 - Pourriez-vous mettre une photo de la vis récupérée après frappe avec l'outil à 100 ° ?

Merci
 
P

PGL

Compagnon
C'est un travail superbe, un bel atelier et de belles machines, des grandes marques.
 
M

M.Recup

Nouveau
Du travail de qualité avec des photos qui font vraiment baver.. Bien joué!
 
O

orlogeur

Nouveau
1 - Qu'est-ce que le polissage au zinc et tripode ?

2 - Pourriez-vous mettre une photo de la vis récupérée après frappe avec l'outil à 100 ° ?

Le polissage au zinc et tripode est une technique de polissage garantissant un poli parfaitement plan. Il consiste à tenir la pièce à polir sur un tripode (trois pied, dont un est la pièce elle-même) puis de venir la frotter sur de la pâte diamant déposée sur un plaque de zinc (métal mou). Les deux pieds sont réglables et permettent de plaquer la pièce bien plate sur la plaque. C'est une opération assez délicate mais réputée pour la qualité du poli.

Je n'ai malheureusement pas de photos des vis après frappe, mais vous pouvez vous imaginer un chanfrein poli de chaque côté de la fente.
 

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